Publisher's Synopsis
Extrait: LETTRE I. Vous souvient-il, mon ami, du jour où vous partîtes pour ce long et beau voyage dont les préparatifs vous occupaient depuis si longtemps? J'arrivai le matin pour passer quelques instants avec vous, ainsi que j'en avais l'habitude;-j'ignorais que ce jour fût celui de votre départ, et je restai surpris de l'air inusité qu'avait votre maison;-tout le monde paraissait inquiet et affairé;-vos domestiques montaient et descendaient rapidement. Une élégante calèche de voyage était tout attelée dans votre cour. Au moment où j'entrai, le postillon avait déjà placé une de ses grosses bottes sur l'étrier d'un des deux chevaux;-un de vos gens, monté en courrier pour commander les relais, tourmentait son cheval qui piaffait sous lui. Arrivé près de vous, je vous trouvai distrait et préoccupé;-vous parûtes faire un effort pour répondre à mes questions et m'adresser quelques paroles; vous sembliez agité comme un oiseau qui va s'envoler. Vous me dîtes adieu en me serrant la main, puis vous montâtes dans la voiture; Arthur, votre valet de chambre, monta derrière; vous fîtes un signe, et le courrier partit au galop. En même temps, le postillon sortit de la cour et fit bruyamment claquer son fouet en manière de fanfare. Les voisins étaient aux fenêtres, les passants s'arrêtaient; vous me fîtes encore adieu d'un signe de main, et vous dîtes au postillon: Partez! Les chevaux prirent le galop et ne tardèrent pas à disparaître au détour de la rue. Pour moi, je restai debout, étourdi, stupéfait, triste, mécontent, humilié, sans savoir précisément pourquoi. Les voisins refermèrent leurs fenêtres, les passants continuèrent leur route; votre portier fit crier sur ses gonds la porte-cochère, et j'étais encore là, immobile, dans la rue, ne sachant ni que faire, ni que devenir, ni où aller; il me semblait que la seule route qu'il y eût au monde était celle que vous suiviez, et que vous l'emportiez avec vous. Cependant, je crus m'apercevoir qu'on me regardait avec étonnement, et je pris au hasard, -pour m'en aller plutôt que pour aller quelque part, -le côté opposé à celui par lequel vous aviez disparu. Je ne tardai pas à me demander où j'allais, et cette question m'embarrassa à un certain point; les promenades me paraissaient tristes et les gens maussades: je pris le parti de rentrer chez moi..... Jean Baptiste Alphonse Karr, né à Paris le 24 novembre 1808 et mort à Saint-Raphaël le 30 septembre 1890, est un romancier et journaliste français. Biographie Alphonse est le fils du pianiste compositeur munichois Henri Karr. En 1832, à l'âge de 24 ans, il débute dans la littérature avec son roman le plus célèbre, Sous les tilleuls, qui lui valut son entrée au Figaro. En 1836, il participe à La Chronique de Paris, fondée par Honoré de Balzac, dont la parution ne durera que six mois, mais qui fut un joyeux intermède. Ami de Victor Hugo, il est un auteur dans la veine romantique. Son roman Histoire de Romain d'Étretat fait connaître Étretat, où il se rendait souvent. Par ses écrits et son réseau d'amis (des artistes, des romanciers...), il contribue aussi à la réputation de Trouville et d'Honfleur. On peut même le considérer comme l'"inventeur" d'une autre station balnéaire normande, celle de Sainte-Adresse près du Havre, dont il est le conseiller municipal de 1843 à 1849 et dont il fait le lieu de plusieurs romans. En 1840, au cours d'une visite au salon littéraire de Louise Colet, il fait allusion aux amours de la maîtresse de maison avec Victor Cousin, celle-ci furieuse lui plante dans le dos un coup de couteau de cuisine. Blessé sans gravité, il ne porte pas plainte mais exposa le couteau sur le mur de sa chambre du no 46 rue Vivienne avec cette inscription: Donné par Louise Colet...dans le dos.