Publisher's Synopsis
Si la démocratie est l'exercice du pouvoir par le peuple, les États africains ont la particularité d'être davantage des mosaïques micro-nationalitaires que des démos ethniquement homogènes. D'où la rémanence des rivalités ethnopolitiques et le spectre de l'ethnocratie, le gouvernement du peuple sans le consentement électoral des autres ethnies. Pour autant, la démocratie n'a pas vocation à déconstruire les identités et le multiculturalisme. Quel modèle démocratique alors pour concilier républicanisme, polycentrisme ethnique et intégration nationale, sinon la démocratie de l'ethno-représentativité ? La présidence rotative (Wantchekon; Tagou; Owona). Celle-ci implique au Cameroun la mutation des ressortissants des cinq sous-civilisations locales à la tête de l'État, en dépassement de l' axe nord-sud initié jadis par l'administration coloniale française. De cette rotativité cependant, les lobbies du conspirationnisme hérité de la coloniale réclament l'exclusion des Bami, au motif de statistiques avantageuses dans les sphères économiques, fiscales et démographiques, attestées par les études d'Eboussi, Warnier, Geschiere, Konings. Or les droits économiques sont-ils antithétiques et exclusifs des droits politiques ? Certes non. Toutefois cette réclamation, révélatrice de l'inexorabilité du soupçon ethnocratique, quelle que soit l'ethnie du chef de l'État, et de l'indispensabilité politique de l'opinion non-bamiléké, soulève une grande question: l'éventualité de l'exercice de la magistrature suprême par un citoyen bamiléké, dans les futures décennies du XXIe siècle, peut-elle être pacifique au plan interethnique sans une décolonisation préalable de la démocratie et un constitutionnalisme nouveau, adapté à l'anthropologie politique du Cameroun ?