Publisher's Synopsis
Pour libertaire ou anarchiste que l'on soit, il n'en faut pas moins vivre dans son siècle, compter avec les populations contemporaines. On peut entrevoir la grande et libre cité humaine, la cité de l'avenir, mais on ne peut y aborder qu'en passant sur le corps de plusieurs générations. Trop de masses ignorantes encombrent encore la route qui y conduit pour oser espérer y pénétrer d'un bond; aussi, anarchistes ou libertaires, nous faut-il, péniblement, de l'épaule et du coude, nous ouvrir un passage à travers cette cohue moutonnière et lui frayer à elle-même une voie pour la faire s'avancer à notre remorque au débarcadère du monde futur, aux premières stations de la société harmonique; et cela uniquement par l'entraînement de notre marche. L'exemple, la pensée qui agit, la force d'initiative est plus puissante en révolution que le commandement, la pensée qui s'immobilise, la force de compressibilité. Les hommes bruts, les simples et les faibles d'esprit, comme tous les enfants, sont toujours plus disposés à singer la conduite de leurs moralisateurs qu'à se conformer à leurs leçons. Il y a un instinct naturel qui fait que l'homme le plus chétif se révolte toujours contre celui qui veut lui imposer sa domination par la violence. La violence dictatoriale, comme il a été démontré précédemment, ne peut rien pour le bien, le voulût-elle. La tyrannie, fût-elle démagogique, n'est pas de nature à faire avancer la peuple vers le Progrès, mais à le faire reculer. Quel que soit la morsure des chiens et les coups de gaule du berger, on verra toujours le troupeau d'hommes ou de mouton, le troupeau de bêtes refuser obstinément de franchir le ruisseau dont le cours l'effraye, y eut-il nécessité de salut public à le franchir; tous se laisseraient plutôt immoler les uns après les autres que de céder à la brutale, à l'arbitraire pression...