Publisher's Synopsis
A deux kilometres de Mulhouse, vers le Rhin, au milieu de la plaine fertile, le camp etait dresse. Sous le jour finissant de cette soiree d'aout, au ciel trouble, traverse de lourds nuages, les tentes-abris s'alignaient, les faisceaux luisaient, s'espacaient regulierement sur le front de bandiere; tandis que, fusils charges, les sentinelles les gardaient, immobiles, les yeux perdus, la-bas, dans les brumes violatres du lointain horizon, qui montaient du grand fleuve. On etait arrive de Belfort vers cinq heures. Il en etait huit, et les hommes venaient seulement de toucher les vivres. Mais le bois devait s'etre egare, la distribution n'avait pu avoir lieu. Impossible d'allumer du feu et de faire la soupe. Il avait fallu se contenter de macher a froid le biscuit, qu'on arrosait de grands coups d'eau-de-vie, ce qui achevait de casser les jambes, deja molles de fatigue. Deux soldats pourtant, en arriere des faisceaux, pres de la cantine, s'entetaient a vouloir enflammer un tas de bois vert, de jeunes troncs d'arbre qu'ils avaient coupes avec leurs sabres-baionnettes, et qui refusaient obstinement de bruler. Une grosse fumee, noire et lente, montait dans l'air du soir, d'une infinie tristesse."