Publisher's Synopsis
Marie Émile Maurice Leblanc est un écrivain français né le 11 décembre 1864, à Rouen, et mort le 6 novembre 1941, à Perpignan. Auteur de nombreux romans policiers et d'aventures, il est le créateur du célèbre personnage d'Arsène Lupin, le gentleman-cambrioleur. Relégué au rang de Conan Doyle français, Maurice Leblanc est un écrivain populaire qui a souffert de ne pas avoir la reconnaissance de ses confrères mais a toujours suscité un solide noyau d'amateursEXTRAIT: Au bruit des pas et dès les premiers mots échangés dans la pièce voisine, Marc Hélienne s'aperçut que toute retraite lui était coupée. Sauf la porte de communication, nulle issue ne l'autorisait à sortir.Un geste de colère l'apaisa. D'ailleurs la moindre imprudence l'eût trahi, ce à quoi il ne voulait point se risquer. Il resterait donc immobile jusqu'à ce que cessât l'odieux emprisonnement auquel sa maîtresse le condamnait.Aussitôt il lui sembla que quelque chose s'arrêtait brusquement en lui et autour de lui. Bien des fois, depuis Le jour où dix ans auparavant il refusait de suivre son père en Normandie, Marc Hélienne avait deviné que sa vie s'en allait d'un mouvement égal vers un horizon indistinct. Il se refusait à toute velléité d'examen et fermait les yeux devant les paysages nouveaux. Mais il éprouvait, précise et douloureuse, la sensation d'une descente continue.Et soudain cette chute s'interrompait.Le cours des faits et des actes aboutissait là, entre les quatre murs de sa prison. Il se retrouvait lié de tous les membres, incapable de bouger. De tels cas émeuvent le cerveau, et l'on réfléchit malgré soi. Il s'y disposait quand une vive souffrance lui brûla l'estomac. Il avait faim. Cela le fit rire. Il se dit: - Je ne manque ni d'intelligence, ni d'instruction, ni d'adresse. Mais depuis trente heures, je manque de pain. C'est assez comique.Comment les événements l'avaient-ils amené à cette extrémité, il ne le savait pas trop; encore moins comment il avait pu consentir à ce que Juliette s'en allât à la recherche d'un homme, et comment elle osait s'enfermer avec cet homme dans la chambre contiguë - J'ai faim, et ma maîtresse se prostitue pour que je n'aie plus faim; voilà le résultat de dix années.Dix années de lutte ! Il ne se souciait point d'en évoquer les détails, mais elles lui apparaissaient comme une époque de combats farouches et de tentatives opiniâtres. Il gardait cette courbature qu'inflige un fardeau trop pesant. C'eût été bon de se redresser et d'aspirer librement de l'air pur.Combien différait son entrée en campagne, lorsqu'il s'installait à Paris dans une mansarde, seul logis propre à ceux qui ont résolu de conquérir la capitale ! Tout lui souriait. Il possédait quelques centaines de francs, de nobles rêves et une ambition convenable. Durant dix mois, la tête hors de sa lucarne, il ruminait des plans. Sous ses yeux s'étendait la grande ville, ce qu'il appelait son champ de bataille, en réalité une douzaine de toits et un horizon de cheminées. Il les contemplait orgueilleusement, comme des choses à lui. La victoire était certaine. Mais par quels moyens la gagner ?Il oscillait alors entre diverses vocations. Serait-il écrivain ? métier sublime ! l'écrivain triture l'esprit d'autrui, sème les idées fécondes et plaît aux femmes. Orateur ? quelle force ! entraîner les masses vers un but qu'elles ignorent, et que soi-même on ne connaît point. Avocat ? Pourquoi non ? l'exercice est plaisant de défendre le coupable et d'accuser l'innocent.Il subit l'affre de l'hésitation.