Revue De Paris, 1844, Vol. 25 (Classic Reprint)

Excerpt from Revue de Paris, 1844, Vol. 25

C'est une enfant. Clotilde avait pris trois ann�es et �tait devenue femme'sans qu'autre chose se d�velopp�t en elle, que sa froide beaut�. Il en r�sultait que Maurice avait toujours aim� Clotilde comme on aime une soeur. Tout cet �difice d'heureuse tranquillit� avait donc, aux yeux de Maurice, simul� le bonheur. Les convenances respect�es � l'�gard de sa jeune femme lui avaient valu ce que les gens du monde ap pellent la consid�ration. Le repos et la vanit� l'avaient maintenu dans cet �tat interm�diaire entre l'ennui et la f�licit�. Mais du moment o� Maurice avait retrouv� Fernande, c'est - � - dire la femme selon ses sympathies, le coeur selon son coeur, l'ame selon son ame, il ne s'�tait plus inqui�t� � quel �tage de la soci�t� il l'avait rencontr�e. Il l'avait prise dans ses bras, l'avait enlev�e jusqu'aux r�gions les plus hautes de son amour. D�s - lors les �motions, les myst�res, les transports d'une existence nouvelle, avaient r�pondu aux besoins endormis de son organisation, aux lois secr�tes de sa po�tique et ardente nature. Tout avait disparu, disparu dans le pass�, car le pass� �tait vide d'�motions, et quiconque a travers� la mer oublie tous les jours de calme pour le souvenir d'un seul jour de temp�te. Il n'y avait donc plus pour lui de f�licit� que dans les regards de Fernande � ses yeux, le luxe ne conservait de prix que par le go�t exquis dont elle para�t toute chose; les arts ne r�pondaient � sa pens�e que par le sentiment qu'elle y attachait; enfin, sa vie m�me, si pleine a cette heure, lui devenait insupportable a l'instant m�me, si ce n'�tait pas � Fernande qu'il la consacrait.

Pour Fernande aussi venait de s'ouvrir une existence plus con forme � ses d�sirs et a ses volont�s. La saintet� d'un amour vrai sem blait en quelque sorte la purifier, effacer le pass�, rendre � son ame sa candeur native. F ernande chassait tous les souvenirs anciens pour ne pas souiller un avenir dont les promesses la ber�aient mollement. On e�t dit que par un effort de volont� elle retournait � son enfance pour disposer cette fois les �v�nemens de sa nouvelle vie d'apr�s les exigences de sa raison; et cette force de vouloir, par laquelle tout prenait un autre aspect, donnait � la fois a sa beaut� un charme plus puissant et � son esprit une allure plus vive. Le bonheur de son ame rayonnait autour d'elle, comme la lueur d'un ardent foyer.

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